samedi 16 novembre 2013

Visite touristique de Kerguelen


Le 11 novembre on arrive à proximité de Kerguelen, par le Nord. Avant de débarquer sur base, on a un certain nombre de sites à approvisionner avec l'hélicoptère. Des cabanes perdues, où des scientifiques vont passer un mois pour étudier la géologie, les populations de rennes, ou encore les formations de tourbes…

On commence par les Îles Nuageuses au nord-ouest, puis on passe par la Baie de l'Oiseau, où se trouve la fameuse Arche de Kerguelen. L'arche c'est quelque chose de très beau, mais à force de la voir en photo, pour moi elle n'est pas très impressionnante. En revanche, cette baie est entourée de falaises qui m'ont laissé rêveur tout le reste de la soirée. Des grandes colonies d'albatros à sourcil noir et d'albatros fuligineux à dos clair nichent en haut des falaises, alors qu'en bas, les gorfous prennent d'assaut le moindre éboulis exploitable. Tout ça dans une atmosphère embrumée, à la tombée de la nuit… Brrr, vraiment mystique comme ambiance. Ça m'a fait l'effet d'un jurassique parc (le 4?), où les touristes s'approchent des îles peuplées par des créatures légendaires, sans pouvoir y poser les pieds.

Le lendemain on se trouve au sud-ouest, autour de la péninsule Rallier du Baty. Au levé du jour on vient de passer le glacier et le Mont Ross, que j'aperçois au loin. C'est grand ! On arrive doucement dans une baie, qui donne l'impression d'être totalement vierge de toute activité humaine. En réalité, on m'explique que c'est la baie du Gros Ventre, la plage où a eu lieu la prise de possession par  Yves de Kerguelen. J'imagine avec émotion ce qu'il a pu ressentir devant ce paysage, qu'on pourrait sans difficulté croire infini et plein de richesses.

On passe ensuite dans la baie de la Table, où j'aperçois de loin mes premiers pachas, les mâles éléphants de mer. Des monstres de graisse ‼ On voit de loin également quelques troupeaux de rennes. En s'approchant du Doigt de Saint Anne, on repère une grande colonie de manchots royaux, dont quelques individus passent tout près du Marion. Fin de la visite, en route pour Port-Aux-Français !


L'arche des Kerguelen, photo touriste


Falaise dans la baie de l'Oiseau. Les pentes du haut sont occupées par les albatros à sourcils noir et les Fulis, alors qu'en bas les Gorfous s'entassent sur les éboulis disponibles


La baie du Gros Ventre, où a eu lieu la prise de possession par Monsieur Kerguelen


La baie de la table, une longue baie abritée du vent, qui rejoint un bras du glacier


Le doigt de Sainte Anne, avec sa manchotière sur la droite



En route pour Crozet !


Nous voilà repartis le 2 novembre, pour de bon cette fois-ci ! A bord on a quelques conférences pour occuper la journée, mais globalement, il n'y a pas grand-chose à faire. D'ailleurs, pour moi, les journées sont carrément réduites à dormir-manger-observer. Le mal de mer me donne mal au crane, et malgré les médocs, la nausée est permanente. Bref, je ne profite pas de l'ambiance "mythique" du Marion, ni des soirées. Avec les ornithos de Chizé, on a une mission particulière à bord du bateau. Toutes les heures du jour on doit aller en passerelle pour faire du comptage d'oiseaux. Ça rythme les journées et oblige à faire des rotations, avec un soleil qui se lève tôt, et des soirées (arrosées) qui se terminent tard. Le 3 novembre, Valentin fait le premier tour de garde du matin et voit le premier albatros timide, à une latitude de 25°. Fête chez les ornithos ‼ Il faudra attendre le lendemain soir pour en revoir un autre. On se rapproche de Crozet… et arrivent les premiers grands albatros et les prions. Wouah, quelle euphorie ! J'en oublie mon mal de mer ‼ Hélas avant d'arriver à Crozet on croise une forte dépression. Une bonne tempête australe, bien dans les règles, avec des creux de 9 mètres. Même avec un patch, mes tripes dansent la samba et je rends tout ce que j'ai en plusieurs fois. L'horreur…

Le 7 on arrive enfin à Crozet. Plein de piafs dans tous les sens, et enfin la terre ! un problème d'hélico retarde le départ des crozétiens, et nous empêche de débarquer. Le lendemain, les hivernants et campagnards d'été nous quittent. On sent un mélange d'excitation et d'appréhension. La « Chizé team » perd Caro et Val. Étrange sensation de les voir partir, alors qu'on a été formés ensemble pendant presque deux mois. Pendant le déchargement du matériel, on fait face à Crozet. On se surprend à attendre bien sagement dans le bateau, un peu amorphe, alors qu'une merveille de la nature se tient juste devant nous. Puis on passe à Pointe Basse, ou le paysage est à couper le souffle ! Vue sur la colonie de manchots et le champs des Alba. Belle ambiance !

Sur notre rotation, on à la chance d'avoir le Préfet des TAAF à bord, ainsi que des membres importants des programmes scientifiques. Du coup, un passage aux Îles Froides, à 150km de Crozet est prévu. On aperçoit de loin l’île aux cochons, qui abrite la plus grande colonie de manchots royaux, avec un million d'individus. Un survol en hélicoptère est prévu sur l’île aux pingouin, mais on ne la voit même pas tellement le brouillard est intense. Idem pour Apôtres, on ne voit que sa silhouette, perdue dans la brume. Tant pis, cap sur Kerguelen ! 

Rouleau d'enregistrement de la pression atmosphérique
 Passage de 1010 à 980 =  tempête australe !

Arrivée à Crozet, on aperçoit la base Alfred Faure

Flo retrouve avec joie le climat de Crozet : du gros vent !

Le binôme de Crozet, Val et Caro sur le départ

Les moines à gauche et la Roche percée à droite, toujours à Crozet





Retour prématuré à la Réunion


Le 31 octobre on remet pied à terre (pour mon plus grand bonheur !).Valentin, l'ornitho de Crozet, dit Papy, connaît du monde sur l’île. Un ami ornitho et de la famille qui vivent au sud, à Saint Pierre. Du coup on part en bus (le car jaune pour les connaisseurs) et on arrive à Saint Pierre dans l'aprèm. On visite un peu, mais la pluie nous force (et oui !) à se réfugier dans un bar. On boit des Dodo, la bière locale, qui est une des seules bières qu'on aura une fois dans les TAAF. Pas si mal, mais elle ne « casse pas des barres » non plus. Le soir on mange au resto de la famille de Valentin, puis on dort chez eux. Le lendemain, on part avec son pote faire de l'ornitho. On passe à la grande anse, en bord de falaise, voir les paille-en-queue, mais aussi des fouddi de Madagascar, bulbul orphé, zoteropses et même un papangue (seul rapace de l'ile, du genre busard) sur la route ! Ensuite on gagne une zone humide où on découvre avec excitation encore d'autres oiseaux nouveaux ! Veuve dominicaine, astride ondulé, tisserand gendarme, quelques limicoles. Une belle journée qui donne l'eau à la bouche pour le retour à la Réunion dans un an ! 
On doit rentrer le soir même car la réparation du Marion s'est faite rapidement. Les parties de Uno, de baby et autres, commencent au bar du Marion. La mission dans les Terres Australes nous semble bien loin… 

Plage du sud de la Réunion, prise depuis la Grande Anse

Première Dodo de la "Chizé team" dans un bar bien calé de Saint Pierre !

Géopélie zébrée, une petite tourterelle pas trop farouche

Bulbul orphé, un piaf envahissant de la Réunion

Papy au taquet pour une obs de Foudi de Madagascare !






Le grand départ !


 Et voila, c'est le 29 octobre, je prends le TGV qui m'emmène d'Avignon à Paris. Le trajet s'accompagne d'une grosse pensée pour tous ceux que je quitte pour un peu plus d'un an. Un petit pincement au cœur, d'autant plus que je ne réalise pas bien ce que je suis sur le point de découvrir. L'embarquement pour la Réunion a lieu sans soucis. L'IPEV gère la logistique d'une main de maître. On est une bonne soixantaine dans l'avion à partir dans les TAAF, en mode grosse ambiance de départ. La nuit en avion n'est pas franchement reposante et l'arrivée au petit matin se fait attendre. Une fois à la Réunion, on prends un bus en direction de la ville Le Port, où mouille le Marion Dufresne. Sur la route on passe à coté de falaises où nichent des paille-en-queue, que l'on aperçoit brièvement avec excitation. Quelques martins tristes courent sur les pelouses au bord de la route. Arrivée au port, c'est carrément une bouffée de "réalité" qu'on se prend en voyant le Marion. "Ah ouais, OK, c'est là que ça commence, c'est là que nos prédécesseurs sont passés…".

Transport des bagages à bord et découverte des cabines. C'est beau, c'est grand, c'est bien. Le navire quitte le port en fin d'après-midi. Tout le monde est sur la passerelle pour immortaliser ce moment à sa manière, appareils photos, caméra, portable… et pourtant ça n'a rien d'extraordinaire en soit. Le bateau s'en va. On a la chance d'être escortés par un groupe de dauphins. Juste après le départ on passe au dîner, qui a lieu dans un véritable restaurant dans le Marion. Et là, bam, "vite, trouver du mercalm‼". Je cours dans le Marion dont les 6 étages me paraissent être un labyrinthe infernal. Quand je trouve enfin l'hôpital, la nausée est déjà bien forte. J'ai juste le temps de partir en cabine, d'avaler un mercalm et de rendre tout mon repas. La mer est pourtant très calme. Le voyage va être long… je me couche rapidement.

Au réveil, le bateau ne bouge pratiquement pas. La terre est en vue. Etrange, le chef de bord nous passe une annonce, nous avons fait demi-tour pendant la nuit pour un problème d'usure prématurée d'une pièce du moteur. Nous allons rester bloqués à quai pour quelques jours à la Réunion. Rien de grave, mais on ne sait pas combien de temps va prendre le remplacement de la pièce …

9000km en avion pour commencer ! Cap sur la Réunion

La Dodo, bière locale, mise en valeur à la Réunion

Le Marion Dufresne ! Un monstre d'acier, affrété par les TAAF pour les rotations et les campagnes océanographiques

Chargement des bagages sur le Marion, première chaîne humaine logistique !

Ma cabine, où j'ai passé 70% du temps de la traversée à dormir.

L'escorte des dauphins, un beau cadeau de départ !